La question du Coach : « confinement : je me sens débordé à ne rien faire, c’est normal ? »

Ma bienaimée grand-mère disait toujours : « celui-là, il est débordé à ne rien faire. » Cette maxime m’a toujours interpellé enfant : mais comment est-ce diable possible? Quand on ne fait rien, on devrait être frais et dispo, pas débordé ! Et pourtant : ne ressentez-vous pas parfois ce paradoxe en cette période de confinement ? Ce paradoxe d’avoir plus de temps chez soi / pour soi, même avec télétravail et enfants, et de ne pourtant pas venir à bout de sa to do list ?

Cette période étrange de confinement ne vous immunise pas contre vos propres injonctions, – les fameux « il faut… » – bien au contraire. Une coachée m’écrivait récemment : « Il faut que je sois à la fois une bonne mère et une bonne collaboratrice, or j’ai l’impression de mal bosser et d’être une mauvaise maman. »

Sans parler de cette pression insidieuse que font peser sur vous les 17 discussions WhatsApp que vous menez de front. « Il faut absolument que je réagisse à la dernière blague de ma bande de copains sans quoi ils vont penser que je me désolidarise d’eux… » Ça vous parle ? 😉

Et que dire enfin du stress que vous vous infligez à vous-même, comme un(e) grand(e) : « à la fin du confinement, il faut que j’ai trié mes 9385 photos en souffrance dans mon portable… que j’ai lu ce polar que Cécile m’a passé il y a 3 ans… que j’ai renvoyé Marie Kondo à ses chères études… que j’ai enfin posé ce satané lambris dans la chambre de Mattéo… que j’ai franchi le niveau 5038 de Candy Crush… que je sois ceinture noire 5ème dan de yoga confiné… »

C’est grave Docteur ?

Déjà, ça n’est pas grave pour tout le monde.

Certains d’entre nous éprouvent ce sentiment impérieux de devoir rester actif, en toutes circonstances. En Process Communication (voir la description de l’outil), ce besoin psychologique est caractéristique des personnes de type « Promoteur ». L’inactivité leur pèse. Rester actif, c’est rester vivant. Si c’est votre cas, il vous est même recommandé de maintenir une certaine dynamique sous peine de tourner en rond, comme un lion en cage, pour le pire de votre moral… et de celui des autres confinés.

Et puis ça n’est pas complètement de votre faute.

En effet, nous sommes tous influencés par notre culture judéo-chrétienne qui a forgé certains biais. Ne rien faire, c’est mal (« L’oisiveté est mère de tous les vices »). Il convient, en toute situation, fut-elle sous contrainte de confinement, d’avoir un but. Dans la Bible, le péché veut dire étymologiquement « rater le but ». Et si possible, l’atteinte de ce but doit se faire dans la douleur. Ce qui est obtenu sans effort est sans valeur. Les 3 mots qui apparaissent le plus dans la Bible sont d’ailleurs effort, travail, et sacrifice[1]. En d’autres termes, si vous êtes débordé(e), c’est non seulement de votre faute, mais en plus, c’est pour votre bien. Et le monde de l’entreprise s’est emparé avidement de ce précepte. L’hyperactivité, c’est la performance. « S’il est lent, c’est qu’il est mauvais. » On ne parle plus, en occident, que de temps « perdu », « gagné », « gaspillé . Le temps est devenu une valeur marchande. Et vous œuvrez, inconsciemment mais avec zèle, à préserver cette valeur.

Charge mentale, multitasking, FOMO … n’en jetez plus !Outre vos propres injonctions vues plus haut, la période impose à beaucoup d’entre vous qui travaillez de chez vous et surveillez les devoirs de vos enfants une forme d’ubiquité schizophrénique. Impossible de réfléchir plus de deux minutes sur le même sujet. Et l’on n’évoquera pas ici Trotro en boucle sur l’iPad et belle-maman qui appelle de province deux fois par jour pour s’assurer que tout va bien… 😉 Votre espace vital, voire intime, est fragilisé. Votre charge mentale est importante.  Le FOMO vient parfois se surajouter à tout ceci. Le Fear Of Missing Out, c’est-à-dire la peur permanente de passer à côté de quelque-chose. Ce phénomène est exacerbé par les réseaux sociaux qui vous submergent constamment d’informations, plus ou moins désirées, plus ou moins nécessaires. Tout ceci finit par « épuiser le cerveau », explique le professeur Carole Cuny[2]. Alors je vous pose ici l’une de mes questions préférées de Coach : et si vous manquiez certaines de ces informations, de ces conversations, et si vous ne cochiez pas toutes les cases de votre to do list de confinement… que se passerait-il ?

Et si vous redeveniez maître du temps ?

Prendre du temps pour soi, voire pour ne rien faire ? Ne rien faire « pour de vrai » ? L’oisiveté, dont Sénèque faisait l’éloge, aurait-elle du bon ? Est-elle vraiment la mère de tous les vices ou bien, comme l’écrivait l’écrivain Paul Laffargue en parlant de la paresse, « la mère des arts et des nobles vertus » ? Le temps « perdu » peut-il être du temps gagné en intensité et en qualité de vie ? Les églises orthodoxes n’ont pas d’horloges. Les africains nous disent que nous avons la montre, et eux, le temps. Hesna Caillau nous dit dans son joli livre « Le paradoxe du poisson rouge (J’ai lu) : « Alors que le temps mécanique nous robotise, celui qui palpite nous humanise. Dans un monde où tout s’accélère , il s’avère plus nécessaire que jamais de s’octroyer des plages de détente et de silence pour se ressourcer. »

Pour revenir au contexte actuel, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, confiné comme nous tous, écrivait il y a quelques jours dans la presse : « J’essaye de faire partie de ceux qui plongent intérieurement plus profondément. Je redécouvre le plaisir de la lenteur et du silence. » Le philosophe Alain Finkielkraut écrivait quant à lui : « Une fois la machine remise en marche (…) l’homme peut-être retrouvera-t-il le goût de partager la terre, le respect des distances, et le sens de l’indisponible. » Le sens de l’indisponible. S’autoriser à ne pas être disponible. Disparaître à la vue des autres pour mieux réapparaître face à soi-même.

Et vous avez des super pouvoirs !

Je vous propose ici mes 15 conseils de Coach, en mode « 10 commandements », mais sans aucunement vous commander. C’est vous qui voyez… 😉

  1. Les notifications tu désactiveras.
  2. Des newsletters tu te désabonneras.
  3. Un degré d’urgence des e-mails de tes collègues tu exigeras.
  4. Ton espace de travail de ton espace de vie tu sépareras.

Ce que l’on nomme « déspacialisation » : « ici, c’est interdit de 2h à 5h, c’est le bureau de papa ! »

  1. À des rituels et des outils de télétravail tu recourras.
  2. Après ton travail ce dernier tu oublieras.

cf. la « shutdow routine »

  1. Des séances de méditation en pleine conscience tu effectueras.

L’appli « Petit Bambou », par exemple, est top.

  1. La fatigue en toi venir tu laisseras.

Ce que Boris Cyrulnik nomme « engourdissement » en cette période.

  1. Des siestes courtes tu t’autoriseras.

cf. notre article sur le sommeil

  1. L’ « ancrage positif » régulièrement tu pratiqueras.
  2. Des moments de plaisir tu t’accorderas.

Et tes verbes préférés tu chériras : lire, écouter, cuisiner, jouer, bricoler, ralentir, réfléchir, inventer, rêver, aimer, …

  1. Parler tout seul comme un dément tu feras.

Comme le navigateur en solitaire Sébastien Destremeau

  1. Une petite marche quotidienne au vert (si possible) tu sécuriseras.

Elle permet de réduire ton pouls, ta pression artérielle, et ton taux de cortisol (l’hormone du stress).

  1. La décélération tu t’autoriseras.

Et l’article de mon camarade Gilles Vernet sur le slow life tu liras.

  1. Des plages de déconnexion (même amicale) tu respecteras, en mode avion.

Et puis, comme le dit si bien Christian Clot, Explorateur et Chercheur (dans une interview pour L’ADN)  : « Vous ne pourrez pas faire tout ce que vous aviez prévu de faire en confinement… alors profitez-en pour prendre du repos ! »

Bon courage à tous, en particulier à mes amis RH, et au plaisir de vite vous revoir…

« Débranche tout, revenons-à nous ! »

Je laisse le mot de la fin à Michel Berger et France Gall. Peut-être avaient-ils déjà tout compris, bien avant Corona :

« Débranche,

Coupe la lumière et coupe le son,

Débranche tout,

Revenons à nous,

Le monde tient à un fil,

Moi je tiens à mon rêve,

Rester maître du temps,

Et des ordinateurs,

Retrouvons-nous d’un coup au temps d’Adam et Ève,

Coupe les machines à rêves,

Débranche tout. »


[1] D’après Hesna Caillau : « Le paradoxe du poisson rouge » (J’ai lu)

[2] Carole Cuny : « Halte à la sur-sollicitation numérique » (Grenoble École de Management)