Jeff Bezos, futur Ministre du Sommeil?

Elon Musk, en plein mois d’août, a surpris son monde en confiant au New York Times être au bord de la dépression. Une déclaration d’une humilité confondante, presque touchante, et permettant peut-être de mieux expliquer certaines de ses prises de décisions récentes, pour le moins erratiques. Nos nouveaux dieux de l’Olympe seraient-ils faillibles ? Éprouveraient-ils leurs limites physiques et psychiques, eux qui investissent tant de dollars pour les repousser ?

Une chose est certaine : nous autres mortels, nous les repoussons, nos limites physiques et psychiques. D’après l’Inserm, les Français dorment en moyenne 1h30 de moins qu’il y a 50 ans. 1 Français sur 3 est concerné par un trouble du sommeil (2017). Or le sommeil n’est pas uniquement utile à la mémoire et à la récupération. Son rôle est particulièrement important pour la santé : les études ont montré qu’une mauvaise qualité/quantité de sommeil accentuait le risque d’irritabilité et de symptômes dépressifs. Sans parler de l’impact sur les maladies cardiovasculaires, diabètes, et autres cancers.

L’une des causes semble professionnelle : l’épuisement professionnel (burn-out dans sa manifestation la plus aiguë). Être épuisé mais mal dormir, un comble. D’après le cabinet Technologia, plus de 3 millions de français sont en situation de risque élevé (2014). Nos entreprises se préoccupent de la Qualité de Vie au Travail. Les plans d’actions mis en place peuvent alors parfois sembler superficiels (espaces de travail flexibles, télétravail, sophrologie, …) au regard des causes profondes de l’épuisement professionnel (productivité intense, dysfonctionnements organisationnels, toxicité managériale, …).

Le sommeil apparaît alors comme un levier que tout un chacun peut mettre en œuvre. L’entreprise tout d’abord, en autorisant la sieste dite « parking ». D’une durée de 20 minutes environ, elle est avant tout relaxante. Les capacités de vigilance et de concentration sont restaurées, tout comme l’humeur et les performances cérébrales. Mais aussi vous, en tant qu’individu. Un exemple : en respectant des cycles de 90 minutes (soit des nuits de 7h30 ou 9h par exemple), vous favoriserez un sommeil réparateur, essayez, vous verrez !

Celui qui a essayé, c’est un autre dieu vivant de l’Olympe californienne : Jeff Bezos, le PDG d’Amazon. Le Wall Street Journal relayait ainsi ses propos lors d’une conférence du 14 septembre dernier : « Peu importe la décision à prendre, il faut avoir dormi 8 heures par nuit pour être en mesure de bien décider. » L’histoire ne dit pas s’il compte les drones pour s’endormir… Satya Nadella, CEO de Microsoft, adopte la même posture pro-sommeil. Ariana Huffington, fondatrice du célèbre journal éponyme, ne dit pas autre chose : « la réussite passe par le sommeil ». Après son burn-out, elle s’est retirée des affaires pour se consacrer à deux révolutions lui tenant à cœur : celle du féminisme… et celle du sommeil (« La révolution du sommeil » – Ed. Fayard).

Comment expliquer dès lors que la promotion du sommeil n’apparaisse pas aux yeux de nos dirigeants politiques et grands patrons comme grande cause nationale, au même titre que les luttes contre l’alcool, le tabac, ou les accidents de la route ? Accepteront-ils enfin de désapprendre le modèle qui les a construits et qui fait d’une durée de sommeil réduite la recette de la réussite ? N’attendons pas le réveil des autorités pour mieux nous endormir : c’est à nous, entreprises et particuliers, de prendre notre sommeil en main. « Dormons, nous le voulons. »